Black blocs & mouvement GJ

Voici un extrait de SOULEVEMENT qui parle des BB, comme on dit. Il est tiré du début du livre, la première partie consacrée au mouvement GJ.

“L’exemple des black blocs est à ce titre révélateur de la réapparition des clichés, des rôles figés, mais aussi de leur réinterprétation par le mouvement.

Le black bloc est une tactique émeutière, née en RFA en 1980 afin d’opposer à la police une résistance plus efficace. Il s’agissait de résister à des expulsions de squat, de lieux de lutte. Pour cela, les personnes ou les groupes participant s’habillent en noir et se masquent, constituent un bloc dans la rue, qui permet de se reconnaître tout en se rendant difficilement identifiable par les forces de l’ordre.

Le black bloc peut donc être constitué de n’importe qui. Bien sûr, on assimile plus ou moins cette pratique aux mouvances anarchistes, autonomes, communistes révolutionnaires, car ce sont ces courants qui l’ont inventée. Mais, en soi, ce n’est qu’une pratique, et son usage n’indique pas forcément une proximité avec des idées anarchistes, par exemple.

Suivons le chemin par lequel cette pratique a été intégrée dans les gilets jaunes. Continue reading

Insurrection & communication

Nous publions aujourd’hui un extrait de la 3e partie du livre, qui traite de la question de la communication dans la perspective de l’insurrection. Cela fait écho aux projets de lois en cours, notamment sur l’organisation de la censure sur les réseaux sociaux au nom de la lutte contre “la haine en ligne” etc. 

“On se souvient de la phrase : « Les réseaux sociaux permettent la révolution et empêchent sa victoire. » Ce qui est clair, c’est que ces réseaux sont un espace à la fois indispensable aujourd’hui à la communication et hostile dès que la lutte s’amplifie, voire, avec l’évolution et la reprise en main policière, de plus en plus en amont. Mais d’autres enseignements sont à tirer des mouvements des dernières années, et aussi de la reconfiguration d’internet autour des plates-formes. Depuis plusieurs années, les États ont repris en main les réseaux. Ce contrôle sortira démultiplié de la crise sanitaire en cours, qui constitue aussi l’occasion d’un brusque coup d’accélérateur de ces dispositifs amorcés notamment par les lois dites « sur les fake news » ou sur les « contenus haineux ».

Le modèle global, c’est bien évidemment la politique de contrôle d’internet par la Chine. Ce qui est remarquable, c’est aussi que, partout, le discours qui sous-tend la mainmise sur les réseaux est celui de la défense nationale. Partout, on évoque la main de l’étranger, on désigne toute forme de contestation comme provenant de tentatives de déstabilisation ennemies. Cela marque une profonde évolution des États dits libéraux, qui convergent vers le modèle chinois. Continue reading

Le premier chapitre

Position, pages 12 – 27, dans “Sur le mouvement des gilets jaunes”

« Peu importe ce que tel ou tel prolétaire ou même ce que le prolétariat tout entier s’imagine être son but, momentanément. Ce qui importe, c’est ce qu’il est réellement et ce qu’il sera historiquement contraint de faire conformément à son être. »

Marx/Engels, La Sainte Famille

« C’est le prix du diesel qui a tout fait partir. On a vu les prix à la pompe grimper, grimper… et peser sur la fin du mois. Et ça, faut l’assumer, c’est la misère. Bien sûr, c’est un terme qu’on n’aime pas. Qui pue le renfermé, qui rappelle Victor Hugo, Les Misérables. La misère, c’est le vide du frigo. C’est le froid parce qu’on chauffe pas. Ce sont les lettres d’huissier qu’on reçoit et qu’on essaie d’oublier dans la boîte aux lettres. C’est quand la carte passe plus à Carrefour et qu’on fait un chèque en sachant qu’il est en carton. Et que la caissière aussi elle le sait, mais qu’elle dit rien parce qu’elle aussi elle connaît. (…)

Un mot sur les soi-disant écolos de plateau télé qui nous montrent du doigt en nous accusant de polluer. Ils n’ont pas honte, ces gens. Comme si c’était pas nous qui les bouffions, les particules fines, sur les périphs, dans les quartiers. Comme si on était contre l’environnement, alors qu’on a grandi en étant persuadés de pas couper au cancer, qu’on bouffe de la putain de viande premier prix aux antibiotiques parce qu’on a pas le choix. Qu’on est dégoûtés qu’il n’y ait bientôt plus d’abeilles, que si ça se trouve nos gosses ne connaîtront pas les oiseaux ! Mais le choix, nous, on l’a pas. On est contraints de conduire pour aller bosser, pour payer les courses, pour payer la voiture pour y retourner le lendemain. Contraints d’aller chercher une maison ou un appart moins cher dans la périphérie de la ville, parce que sinon soit c’est trop cher, soit c’est un taudis. Continue reading

En feuilletant #3 A la fin

Extrait de la 3ème partie ” Insurrection et Révolution” pages 161 – 162

Mais la grande majorité des soulèvements de cette période ont reposé sur cette unité dans la lutte, sur une dialectique interne entre la « première ligne », parfois improprement baptisée « black bloc », comme nous l’avons relaté dans la première partie de cet ouvrage, et les manifestants « lambda ». Comme l’ont très justement fait remarquer les camarades de la revue Chuang dans un texte récent, cette nouvelle configuration marque la fin du mot d’ordre issu de l’altermondialisme de la « diversité des tactiques », qui avait abouti à une séparation physique des manifestants en zones découpées, et ainsi grandement facilité le maintien de l’ordre.

Confrontés à une forme de centralisation dans l’espace et le temps de la manifestation hebdomadaire, malgré tous les efforts pour déborder ce cadre, les soulèvements « avant Covid-19 » semblaient tomber dans une impasse. Continue reading

En feuilletant #2 Au milieu

Extrait de la 2ème partie  ” L’Etat et la contre-révolution” pages 102 – 105

Le mouvement que nous vivions de l’intérieur s’est transformé en autre chose, semble avoir sécrété une représentation de la lutte qui lui est extérieure. Les assemblées de quartier, qui organisaient la lutte et la solidarité locales, sont mangées par les municipalités. Une fraction du mouvement travaille désormais pour l’État, comme élus, comme travailleurs sociaux, ou pour des ONG, associations, syndicats : cet encadrement, peu à peu, a pris le dessus.

Est-ce la continuation de nos mouvements, ou leur négatif ? Le débat fait rage sur cette question. Syriza, Podemos, Ennahda, les partis qui mangent les mouvements et soulèvements sont-ils des prolongements de ceux-ci ? Oui et non. Ils en sont la recomposition. Cette recomposition est une négation de ces mouvements, mais il y a dans cette négation une part de ces mouvements, absorbée et restituée différemment. Continue reading

En feuilletant #1 Au début

Quote

Extrait de la 1ère partie ( Sur le mouvement des gilets jaunes)  pages 17 – 19 :

D’ici là, c’est autour d’un espace, celui du rond-point, et d’un symbole, le gilet jaune, que vont se rallier les participants. Les deux auront à leur tour fait l’objet d’une certaine confusion. Des ronds-points, il y en a 50 000 en France, pays du monde qui en compte le plus. Des gilets, tous les automobilistes en ont un. Pourtant, derrière cette apparence d’universalité, c’est une classe qui se donne à voir. Celle qui, atomisée dans ses lieux d’habitation comme dans ses lieux de travail, a été un temps donnée pour disparue : les prolétaires et en particulier les ouvriers.

Disparues, les grandes concentrations, les usines de la taille d’une ville où se pressaient des milliers de travailleurs. Les restructurations successives ont transformé profondément les lieux de travail. Les ouvriers sont disséminés en équipes de travail, séparés en de multiples entreprises différentes, statuts différents, dans une cascade de sous-traitance. Continue reading